Principe de fonctionnement détaillé des implants cochléaires
Tout le monde connait le principe de fonctionnement général
d’un implant cochléaire, mais lorsqu’il s’agit d’approfondir ce petit bijou de
technologie et de comprendre réellement comment il permet d’entendre, c’est une
autre histoire….
Vulgarisons le technique pour bien comprendre ce qui se
cache derrière les termes MCL, THR, pulse biphasique, ou encore AGC.
L’article va bien évidemment se focaliser sur le
fonctionnement des implants MEDEL, marque qui équipe notre fille. Bien que
certains points soient spécifiques aux implants de la marque autrichienne, vous
retrouverez des similitudes avec Cochlear, AB ou Oticon.
Il est fort probable que certaines erreurs ou imprécisions
soient présentes sur cet article relativement technique (pour rappel nous ne
sommes pas professionnels !). N’hésitez donc pas à nous corriger le cas échéant.
Commençons d’abord par la base, ce que tout le monde
connait, pour planter le décor et ensuite se focaliser sur chacune des étapes :
Source : MEDEL
Le son (A) est capté par le processeur (B), pour ensuite
être traduit en signaux électriques, qui vont être transmis à la partie interne
(l’implant) via l’antenne du processeur (C).
La partie interne, l’implant, va ensuite stimuler
électriquement la cochlée (D) grâce à ses multiples électrodes (E).
Jusqu’à présent tout est simple, mais allons plus loin. Comment
le processeur arrive à transformer ces sons environnant en signaux électriques
transmis à la cochlée ? C’est là la grosse boite noire de l’implantation
cochléaire. Une réelle combinaison entre la stratégie de codage du fabricant
d’implant, que l’on présente ici, et les réglages personnalisés réalisés en
centre d’implantation, que l’on aborde dans l’article
Comprendre une MAP de réglage MEDEL.
Ces 2 articles sont donc complémentaires pour avoir la
vue d’ensemble des systèmes d’implants cochléaires.
Voici la représentation schématique que nous vous
proposons pour comprendre chacune des étapes permettant aux implants Medel de
faire entendre les personnes :
1 - Qu’est-ce qu’un son ? :
Sans trop rentrer dans le détail, le son environnant est
décrit par 3 caractéristiques :
-
Sa fréquence, en Hz, qui va définir si le son
est aigu, médium ou grave
-
Son « intensité sonore », en dB,
qui va dire si le son est fort ou faible
Ce que l’on entend à l’instant t, c’est en fait une
multitude de fréquences, chacune a des intensités différentes, qui peuvent être
représenté graphiquement comme cela :
Source : cochlea.org
La 3ème composante est le temps : d’un instant
à l’autre, le son évolue. Cela va nous
donner l’enveloppe temporelle :
Source : cochlea.org
2 - Le microphone :
Les microphones des processeurs vont donc capter ces
sons. Le microphone possède sa propre sensibilité. Il ne captera pas toutes les
fréquences à toutes les intensités.
Il y a ainsi une première perte légère par rapport à une
audition normale.
Chez Medel par exemple, les sons inférieurs à 25dB SPL
(et non HL) ne seront pas captés, tandis que les sons dépassant les 100dB
SPL seront traités comme des sons à 100
dB (plafonnement du signal de sortie).
3
–Automatic Gain Control (AGC) : Adaptative Sound Window
Source : MEDEL
C’est donc dans cette fenêtre de 25 à 100dB constituant
l’Input Dynamic Range (IDR) que va osciller une seconde fenêtre adaptative de
55dB, où seront traités les sons correspondants.
Dans un environnement calme la fenêtre se placera entre
25 et 80dB, tandis que dans un environnement bruyant elle sera comprise entre
45 et 100dB.
Cette première étape est primordiale car elle permet au
final de faire rentrer toute la largeur du son d’entrée dans la plage dynamique
électrique finale de l’implant (les différences entre le pulse mini et maxi que
va délivrer l’implant dans la cochlée) en écrémant les informations les moins
importantes.
Source : MEDEL
C’est une double-boucle basée sur 2 détecteurs (un rapide
et un lent) qui va permettre de faire bouger en temps réel cette fenêtre
adaptative de 55dB au sein de l’IDR.
Le détecteur lent (le terme lent est relatif car on parle
de seulement plusieurs centaines de millisecondes) va adapter la compression au
bruit ambiant (lorsque l’on passe d’un environnement calme à bruyant – lorsque
l’on quitte sa maison pour aller dans la rue par exemple), tandis que le
détecteur rapide va traiter les pics de son (lorsque l’on fait tombé une
assiette qui se casse par exemple)
Cette gestion du gain automatique permet à la personne
implantée de toujours percevoir les sons « forts » forts et les sons
faibles « faibles » dans les mêmes proportions, quelques soit
l’environnement, et sans nécessiter de devoir changer des paramètres
manuellement (diminution du volume via la télécommande par exemple).
Plus d’information ici :
4- Sensibilité et compression
Source : easyzic.com
Vient ensuite l’étape de compression du signal
caractérisée par 2 paramètres.
La sensibilité va déterminer le moment où la compression
entre en jeu, tandis que le ratio (X:1) de compression caractérise l’importance
de cette dernière.
Par exemple avec une compression 3:1, lorsque l’entrée
augmente de 3dB, cela n’augmentera que de 1db en sortie passée ce point.
5 - Le découpage de fréquence
La compression du signal traitant l’ensemble des
fréquences ainsi réalisée, le système va maintenant découper le spectre sonore en
bande de fréquence, selon la loi choisie, pour ensuite être attribué à chacune
des électrodes. Chez Medel il y a 12 électrodes (dans le cas standard), il y
aura donc 12 filtres passe-bande.
L’attribution des fréquences par bande est présentée de
la manière suivante :
Source : MEDEL
6- Maplaw
Source : MEDEL
La Maplaw est la fonction mathématique qui va permettre
de calculer comment va évoluer le pulse entre le signal d’entrée minimum et
maximum.
Là encore il existe plusieurs paramètres possibles, que
vous retrouverez dans l’article présentant les Map de réglage. Ce pulse va
osciller entre 2 bornes : le THR et le MCL
7- Seuil THR et MCL
Par définition : MCL = Most Comfortable Loudness
levels. Plus haut niveau pour lequel un stimulus est perçu comme fort mais pas
inconfortable. Correspond en fait à l’aire maximale d’une phase du pulse
THR = C’est le niveau le plus haut pour lequel une
sensation auditive n‘est pas obtenue
Medel illustre bien ces différents niveaux grâce au
schéma suivant :
Source : MEDEL
C’est là les 2 bornes mini et maxi du pulse, qui va être
régler différemment pour chacune des électrodes
8 – Transmission via radio fréquence
La bobine contenue dans l’antenne va créer un champ
magnétique, qui lui-même va créer un courant au sein de la bobine contenue dans
le corps de l’implant
C’est ainsi que le courant électrique passe à la partie
interne « sans contact ».
L’aimant situé dans l’antenne et dans l’implant n’est là
que pour assurer un maintien mécanique de l’antenne sur le cuir chevelu. Il n’a
aucun rôle quant au passage du courant à travers la peau.
9 – Pulse biphasique
Au sein de la cochlée les électrodes vont stimuler les
fibres nerveuses à l’aide de pulse.
Un pulse à 2 phases (dans la très grande majorité des
cas), d’abord positive puis négative est nécessaire pour régulariser la
polarité au sein des tissus et ne pas les endommager.
De même, afin de ne pas créer d’interférence, les
électrodes n’émettent pas toutes de pulse en même temps, mais de façon
séquentielle (d’abord 1, puis 2, etc…)
Source : MEDEL
Medel utilise une statégie CIS (continuous interleaved
Sampling), c’est-à-dire que l’ensemble des électrodes vont être utilisées à
chaque période. Tandis que d’autres fabricants (comme cochlear) utilise une
stratégie de type n-of-m : seules les n électrodes correspondant aux bandes
de fréquences les plus énergétiques vont être utilisées sur les n totales à
chaque cycle.
Les électrodes vont pulser à des fréquences fixes
plafonnées, sauf pour celle codant la structure fine, dont le taux de
stimulation correspond à la fréquence du signal de la bande correspondante.
Une image vaut mieux qu’un long discours.
Parce qu’il peut être difficile d’expliquer ou de faire
comprendre qu’une audition réhabilitée par implant cochléaire est différente d’une
audition normale, voici notre façon d’illustrer, par analogie avec la vue, comment les sourds implantés perçoivent l’environnement
sonore.
L’audition normale :
L’image est bien nette, toutes les couleurs, même les
plus sombres sont visibles. On reconnait ainsi chaque détail du visage.
Surdité profonde :
On ne reconnait rien. L’image est pratiquement noire,
seuls les éléments les plus lumineux (c'est-à-dire les plus forts) commencent à
être perceptibles.
Avec Implant Cochléaire :
L’image est plus sombre que l’originale, et certaines
zones sont totalement noires, symbolisant ainsi le seuil en dessous duquel les
sons ne sont pas entendus, les autres étant atténués (= résultats des audiométries).
L’image est aussi moins nette, pixélisée, car l’implant n’utilise
seulement quelques électrodes (d’une 10aine à une 20aine suivant le fabricant
et sa stratégie de codage), pour échantillonner les sons, contrairement aux
millions de cellules ciliées et qui font le travail dans le cas d’une audition
normale.
De la « simple définition » au lieu de la HD
(haute définition) en quelque sorte. L’image deviendra de plus au plus nette au
fil des réglages et de la rééducation auditive.
Malgré cela, l’implant permet de reconnaitre le visage de
Lisa et ces bouclettes J
PS : ceci n’est qu’une illustration personnelle, que
nous avons basée sur nos connaissances du fonctionnement de l’implant, que nous
venons de vous expliquer.
Nous espérons que vous avez à présent une bonne
compréhension des subtilités des implants cochléaires, que vous soyez implanté
ou parent d’implanté.
Obtenir des informations précises et détaillées n’est pas
chose aisée lorsque l’on est simple parent, mais après beaucoup de recherches
nous avons pu notamment nous appuyer sur les éléments suivants :
Echange avec les régleurs mais aussi (et surtout) avec
les ingénieurs cliniques MEDEL.
Mémoire de fin d’études (Programming cochlear implants
for auditory performance de Bart Vaerenberg, Linearisation des seuils mcl de
l’implant cochleaire medel opus II de Sophie Negrello, Influence de la
compression de sortie sur l’audition de sujets implantés avec l’implant
cochléaire
Med-El Opus II de Geoffrey GUENSER)
Publications scientifiques (Programming Cochlear Implant
de Jace Wolf et Erin C. Schafe / Sound Coding Strategies for Cochlear-Implants
de Waldo Nogueira)
Publication et présentation MEDEL (Focus on Finehearing,
La stimulation triphasique de Michel BELIAEFF)
Notice d’utilisation du logiciel MAESTRO
Nous ne sommes pas rentrés dans tous les détails. Nous préférons
bien maitriser le sujet avant d’en parler pour être sûr de diffuser une
information fiable et non bancale.
Certains points, comme l’utilisation d’électrodes virtuelles,
l’échantillonnage, la saturation neuronale, ou encore les réactions
« biophysiques » ne seront traités que lors de futures mises à jour
de l’article. Restez donc à l’affut !
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Bonjour,
RépondreSupprimerTout d'abord, bravo pour cet excellent post !
Cependant, je crois que Med-El n'utilise plus la stratégie de codage de type CIS, mais plutôt HDCIS, FSP, FS4 ou FS4-p.
En connaissez-vous les différences ?
Merci beaucoup.
À bientôt.